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Delattre Levivier n’est pas en cessation de paiement

16 janv. 2020 L'Economiste

Le rythme judiciaire pour Delattre Levivier Maroc (DLM) s’enchaîne. Après l’obtention d’une procédure de sauvegarde le 19 décembre 2019 auprès du tribunal de commerce de Casablanca, place aux déclarations de créances. Plus de 300 millions de DH à fin juin 2019.

Encore faut-il les lister, les examiner et les valider par la justice. L’entreprise en difficulté a voulu être «proactive» en notifiant 450 créanciers sur 500. «Nous les avons contactés un à un même ceux à l’étranger, avec accusé de réception et réponses à l’appui», confie le directeur général de DLM, Eric Ceconello. Un avis public a été également mis en ligne le 27 décembre 2019 sur le site du constructeur métallique et de chaudronnerie lourde (www.dlm.ma).

L’intérêt pour les créanciers est de se déclarer dans les délais pour éviter la forclusion des délais. Ils devront s’adresser au syndic judiciaire désigné par la justice. En effet, Fahd El Mjabber reçoit les créances déclarées à temps: 2 mois pour les locaux, 4 mois pour les étrangers. En principe, ces délais courent à compter de la publication au Bulletin officiel du jugement relatif à la procédure de sauvegarde.

«Il ne l’a pas été encore», précise le jeune syndic judiciaire ayant fait ses classes en France et aux Etats-Unis. Vu que la société est cotée à la Bourse de Casablanca, l’information a circulé comme une traînée de poudre. DLM est tenue par des règles de publicité. L’Autorité marocaine des marchés des capitaux veille au grain.

«Il y a un affreux mélange de genres: 2 personnes sur 3 pensent à tort que DLM est en cessation de paiement. Ce qui n’est pas le cas lorsqu’une entreprise en difficulté bénéficie d’une sauvegarde», insiste le top management. 

Le code de commerce encourage les partenaires solidaires et confiants envers une entreprise en difficulté. Par conséquent, «les dettes et les factures qui atterrissent après le jugement de sauvegarde seront payées sur le champ par DLM. En revanche, les créances antérieures au 19 décembre 2019 intègrent le passif», précise le directeur financier de DLM, Younes  Jermoumi.

Ce jeune homme a été recruté il y a trois mois et demi. Il a fait notamment ses armes chez Ernst & Young en Belgique. Le directeur financier nous a été présenté comme «spécialiste de la restructuration» des entreprises. La restructuration de DLM implique un «redéploiement temporaire de ses activités et de ses actifs» et «non pas un changement de modèle économique», nuance le directeur financier de DLM (voir ci-dessous). Interpellé sur son rôle, le syndic judiciaire tempère la situation juridique et financière de Delattre. «La société continue son activité. Je l’assiste sans me substituer au management. Par ailleurs, ma relation avec le tribunal est permanente», précise Fahd El Mjabber.

Ce jeune expert-comptable exécute sa mission sous la supervision du juge-commissaire, Abderafiî Bouhamria. Il dispose de 4 mois renouvelables une fois pour valider le plan de sauvegarde. Sauf renouvellement, il a jusqu’au 19 avril 2020 pour remettre son rapport.

«La procédure de sauvegarde de 5 ans est un avantage pour nous et nos clients qui auront plus de visibilité. A notre grande surprise, nous avons eu des retours extrêmement favorables de nos partenaires», poursuit le DG, Eric Ceconello. Les créanciers ont suspendu spontanément leur action en justice. «Il y a eu notification d’une vente forcée. Le huissier de justice est reparti après avoir vu le jugement de sauvegarde», confie DLM. Et pour cause, les litiges antérieurs à cette décision judiciaire sont suspendus.

La procédure en cours arrête aussi le paiement des intérêts et des crédits. Plusieurs réunions ont été tenues avec les banques au lendemain de l’obtention de la procédure de sauvegarde. «Elles n’ont rien promis à DLM puisque nous ne leur avons rien demandé. Les banques jouent le jeu de la sauvegarde», précise la direction générale de DLM. L’entreprise en difficulté assure «n’avoir aucune créance bancaire».

L’optimisme «surprenant» d’un constructeur métallique

Deux managers sont au bureau de leur syndic judiciaire. Fahd El Mjabber devra cautionner un plan de sauvegarde pour Delattre Levivier Maroc (DLM). Ce syndic judiciaire se montre optimiste au même titre que les dirigeants de l’entreprise qui doivent «surmonter des difficultés temporaires». Une feuille de route «viable sur 5 ans» et un remboursement de créances «plus rapide que celui d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire», indique le syndic.

Le directeur financier de DLM prend le relais. «Restructuration n’est pas synonyme de licenciements. Nous gardons nos effectifs tout en étant ouverts à un plan négocié de départ volontaire. L’essentiel est de rester une entreprise vivante et de préserver l’emploi», précise le financier Younes Jermoumi. La société compte 850 salariés, dont 200 en contrat à durée déterminée. En cette fin de matinée du lundi 13 janvier à Casablanca, Eric Cecconello écoute attentivement son collaborateur avant d’ajouter ce qui suit: «A l’instar des sociétés de BTP, nous avons beaucoup d’intérimaires qui fluctuent en fonctions des chantiers. Nos relations avec les syndicats sont bonnes».

Le principal étant l’UGTM. «Les délégués syndicaux ont été informés à l’avance de notre intention de réclamer une procédure de sauvegarde à la justice», poursuit le top management.  Créée dans les années 1950, DLM s’active dans la chaudronnerie lourde et la construction métallique. La restructuration est un terme qui suscite des méfiances. D’autant plus que le contexte dans le secteur métallurgique est morose. Des opérateurs qui tombent comme des mouches; des mesures de protection commerciale qui suscitent craintes et contestations et des sociétés pas toujours clean en matière de concurrence (cf. L’Economiste n° 5664 du vendredi 27 décembre 2019).

«Une réflexion est en cours même si le contexte du secteur est difficile», reconnaît le management. Expérimenté en restructuration des entreprises, Younes Jermoumi distingue entre la valeur comptable figée et la valeur d’une action en bourse qui «recèle des opportunités futures».

DLM veut attirer l’attention de ses partenaires sur ce dernier point. Pour l’heure, son cours a significativement dégringolé pour valoir 52 DH. L’entreprise en difficulté va négocier directement avec ses fournisseurs en vue d’un rééchelonnement des paiements. Voire éventuellement un abandon partiel de leurs créances. Le but est «d’impliquer» ses partenaires «pour éviter des contestations ultérieures.»

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