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Investissements privés, le pourquoi d'une baisse de 8%

1 juin 2018 Inforisk
Plusieurs éléments concourent à la baisse des investissements privés. A elle seule la fiscalité n’est pas déterminante dans l’acte d’investir. La nouvelle loi très attendue sur les sûretés mobilières peut être un levier pour drainer davantage d’investissement.L’importance du secteur privé dans la croissance économique n’est plus à démonter. Les pays qui ont gagné des points en termes de croissance économique et ont rejoint le peloton des pays émergents ont fait de l’investissement privé leur cheval de bataille. Au Maroc, les chiffres publiés récemment par Inforisk montrent clairement que globalement l’investissement privé a accusé une baisse de 8% entre 2015 et 2016. Les chiffres définitifs relatifs à l’exercice 2017 ne sont pas encore disponibles mais ceux provisoires augurent d’une baisse encore plus prononcée. En l’absence de données macroéconomiques officielles retraçant l’évolution de l’investissement privé, il est jusqu’à présent procédé à la déduction de la Formation brute du capital fixe (FBCF).En effet, l’étude Inforisk a été effectuée sur la totalité de sa base de données, à savoir 500.000 sociétés portant sur 1,2 million de bilans cumulés. Un échantillon représentatif.  Pour plus de précisions, il a été procédé au suivi de l’évolution sur plusieurs exercices des postes « Total Actif Immobilisé net », « Dotations aux Amortissements »… En réalisant des comparaisons sur plusieurs années, il a été procédé au calcul de l’investissement privé et son évolution.Toutefois, à la lecture des états communiqués par Inforisk, on constate que l’étude s’est basée sur les éléments des bilans des opérateurs. Or, les opérateurs peuvent réaliser des investissements financés par le crédit-bail, du coup ils n’apparaissent pas dans le patrimoine comptable de la société. Et la question qui se pose d’emblée : cette procédure ne risque-t-elle pas de biaiser les calculs ? « Question tout à fait pertinente d’un point de vue financier. Il est vrai que nous avons accès uniquement aux états de synthèse du bilan. L’information sur les éléments en leasing en est donc exclue. Maintenant, juridiquement parlant, le bien en leasing n’appartient pas à l’entreprise et n’a donc pas de raison d’être comptabilisé », répond Amine Diouri, responsable études et communication à Inforisk.Aussi, est-il important de signaler qu’au cours des dernières années, on remarque un changement de culture chez les opérateurs économiques dont le principal souci est de se concentrer sur l’acte de production lui-même et que l’appropriation des outils et moyens d’investissements ne les intéressent pas outre mesure. Mieux encore, nous assistons à la genèse d’une nouvelle génération d’investissements ne nécessitant pas beaucoup de moyens de production.    Certains secteurs ont surinvesti dans les années fastesD’après A. Diouri, cette baisse s’explique par un certain nombre de facteurs : le surinvestissement durant les années fastes de certains secteurs (BTP, immobilier, transport communication) qui observent aujourd’hui une saturation de leurs outils productifs. Il argue ses propos également par le manque de culture de l’investissement de beaucoup de chefs d’entreprises, pour qui l’investissement représente un risque élevé et un retour sur investissement lent. Parmi les autres facteurs explicatifs de cette baisse citons le manque de financement de l’investissement par les banques, les délais de paiement, la baisse de chiffre affaires des entreprises, associée à une dégradation de leurs marges à cause de la concurrence déloyale de l’informel.Malgré les discours étincelants, on remarque que les TPE ne bénéficient pas de financements bancaires. A ce sujet, le responsable de communication à Inforisk étaye ses propos par des chiffres : l’encours de crédit à l’équipement desservis uniquement aux sociétés non financières privées sur les années 2010-2016 montre une lente érosion des encours distribués pour financer l’investissement : -2,4% en moyenne par an. Au final très peu d’entreprises notamment les TPME accèdent au financement bancaire. « La nouvelle loi très attendue sur les sûretés mobilières devrait, je l’espère répondre à cette problématique, notamment en permettant aux entrepreneurs de bénéficier de financements bancaires sans mettre en jeu des cautions personnelles, à travers le nantissement de fragments et non pas la totalité de leurs fonds de commerce », explique A. Diouri.La fiscalité est-elle le sésame ?Nombreux sont les analystes qui pointent du doigt la fiscalité peu attrayante qui dissuade les investisseurs à plus d’un titre. Or, dans la pratique on constate très bien que pour un investisseur, il est plus opportun d’investir dans une région comme Casablanca, pour jouir de l’avantage de proximité du marché, de l’infrastructure et de la logistique que d’investir dans des régions lointaines quelles que soit les incitations fiscales qu’on lui fera miroiter … Comme le confirme d’ailleurs A. Diouri : « A mes yeux, la fiscalité met un levier important dans l’acte d’investir mais ne détermine pas le choix d’investir ». Et d’ajouter : « La décision d’investir pour une entreprise dépend de la finalité qui est recherchée par celle-ci : extension de la capacité de production afin de répondre à une demande existante ou croissante ; innover via un investissement en R&D pour mieux se différencier par rapports aux concurrents ». Globalement, la décision repose essentiellement sur une volonté d’optimisation des coûts et un accroissement de la productivité.En effet, en dehors de la fiscalité, l’Etat est appelé à créer un environnement des affaires sain et transparent. Inutile de rappeler qu’à titre d’exemple qu’avec un Conseil de la concurrence qui ne remplit pas son rôle, les opérateurs hésitent à investir.Ajoutons à cela, la problématique des délais de paiement qui handicape les entreprises dans la gestion de leurs affaires. « Aujourd’hui, le crédit interentreprises représente plus de 380 milliards de dirhams de ressources de l’entreprise. Cela impacte fortement la trésorerie de nos entreprises. Le rôle de l’Etat est justement d’inciter les mauvais payeurs à payer ce crédit interentreprises, afin que nos entreprises aient davantage de liquidités, qu’elles pourront ensuite investir, soit en actifs immobilisés, soit en R&D».Les mesures préconisées pour drainer l’investissement privéBeaucoup de mesures fiscales sont préconisées par les experts : suppression de la TVA de 20% sur les biens d’équipements (proposition reprise par Salaheddine Mezouar dans son programme pour la présidence de la CGEM). A côté de cela, A. Diouri énumère un certain nombre de dispositions qui ont été proposées dans la précédente Loi de Finances. Il s’agit de l’instauration d’un crédit Impôt Recherche avec une réduction d’impôt, exonération de la plus-value sur la cession des immobilisations, réintroduction de la provision pour investissement. Il ne faut pas laisser de côté l’amélioration du climat des affaires, avec la priorité des priorités : la lutte effective contre l’allongement sans fin des délais de paiement.
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