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Fruits et légumes: Les opérateurs exigent la neutralité de la TVA

17 nov. 2020 L'Economiste

Lourd l’impact de la TVA sur l’activité des producteurs et exportateurs des fruits et légumes. Non seulement la taxe ampute leur chiffre d’affaires de plus de 7%, mais elle grève aussi la compétitivité du secteur face aux pays concurrents. En particulier l’Espagne, la Turquie et l’Egypte, où ils sont soit exonérés soit bénéficiaires du régime de récupération de l’impôt.

Or, le législateur marocain a placé les produits agricoles hors champ de TVA dans l’objectif de soutenir le pouvoir d’achat du consommateur. «Un choix judicieux en soi», concède la Fédération interprofessionnelle des fruits et légumes (Fifel). Mais la mesure ne doit pas occulter le droit de l’agriculteur à récupérer la TVA appliquée aux facteurs de production.

Dans la foulée, la Fifel cite la tourbe, les produits phytosanitaires, le plastique pour serres, le matériel et équipement de la micro-irrigation ainsi que certains engrais. La fédération, qui mène campagne de sensibilisation auprès des représentants de la Nation, relève «que la situation contraste avec le principe sacro-saint de la neutralité de la TVA».

Pour rappel, cette dernière mesure a été adoptée en 2018 sous l’impulsion de l’Association des exportateurs marocains (Asmex). Mais, faute d’un texte d’application, elle n’a jamais été déployée. Cette année encore, l’Asmex l’a réintroduite parmi ses doléances. Mais pour le secteur exportateur de fruits et légumes, l’iniquité fiscale ne s’arrête pas au problème de récupération de la TVA. Elle touche de manière globale la fiscalité agricole telle qu’appliquée actuellement. A commencer par la prise en compte du revenu net imposable que l’agriculteur ne maîtrise pas en raison des spécificités du secteur.

Déjà en 2019, les opérateurs avaient dénoncé «les abus du fisc». En particulier dans la région d’Agadir qui assure 80% des exportations de fruits et légumes et approvisionne le pays à hauteur de 70%. Pour cette population, le contrôle des bilans a été systématique, débouchant, pour la plupart, sur des redressements à la hausse.  

Le courrier adressé à la tutelle l’année dernière, dont L’Economiste détient copie, dénonçait également des situations jugées «insupportables». Des blocages au port de TangerMed de produits agricoles (périssables) destinés à l’export ont été opérés.  Ce qui avait occasionné de lourdes pertes pour les entreprises. Tout en générant un climat de méfiance envers les partenaires financiers.

«Pourtant, le secteur agricole ne cherche qu’à être accompagné pour mieux s’acquitter de ses obligations fiscales», concède le président de l’interprofession, Lahoucine Adardour. Cela tient surtout à «l’environnement du secteur qui n’est pas encore préparé au déploiement de la réglementation fiscale».

Transport, travail à la tâche, fournisseurs de certains services… ne sont pas, pour la plupart, rompus à la production de factures dûment établies selon la réglementation. «Mais le fisc ne l’entend pas de cette oreille», estime un producteur. Il veut que les professionnels forcent la main à leurs fournisseurs et prestataires de services pour qu’ils  se structurent. A défaut, leurs justificatifs seront toujours rejetés.

«Mais est-ce le rôle des entreprises agricoles», s’interroge le président de la Fédération interprofessionnelle des producteurs et exportateurs de fruits et légumes. Car, si un grand nombre d’opérateurs, surtout les petits et moyens, font appel à ces partenaires de proximité, c’est que les entreprises du transport structuré sont d’abord d’essence urbaine. Leurs coûts sont ensuite 3 à 4 fois plus chers que les premiers.

Ils imposent enfin des délais assez longs pour la réalisation de leurs prestations. Ce qui ne cadre pas souvent avec l’activité agricole qui reste soumise aux variations des conditions climatiques. Un coup de chergui pourrait  précipiter d’une semaine, voire plus, la date de la récolte. De même que l’avènement de pluies en entraîne un décalage.

Pour les opérateurs, le régime fiscal déployé ne tient compte en aucun cas des spécificités du secteur agricole et encore moins de son écosystème où règnent des milliers de prestataires de l’informel. Ils sont ainsi pris en étau: d’un côté le fisc et de l’autre des fournisseurs qui s’activent, pour la majorité, dans le noir.

Taxation sur les prix à l’export

En raison des spécificités du secteur agricole et des incertitudes liées au comportement des marchés (local et export), le calcul du revenu net réel s’avère particulièrement complexe. Le raccourci pris par le fisc en 2019 consistait à taxer les agriculteurs sur la base des prix moyens réalisés à l’export. Or, ces prix  qui s’élèvent en moyenne à 3 DH/kg (pour la tomate) représentent 60% des ventes. Le reste de la production, soit 40%, est écoulé sur le marché local pour 50% du prix à l’export. Le cas des tomates est édifiant à cet égard. Sur les 5 dernières années, les prix sur le marché local s’établissent en moyenne à 1,40 DH/kg contre des coûts de production de l’ordre de 2,60 DH/kg. Sans oublier la taxe de 7% payée aux marchés de gros.

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