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Ecoles privées: interview Amine Diouri - L'Economiste

21 nov. 2017 Inforisk

Ecoles privées : Un business model avantageux

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Amine Diouri, responsable études et communication d’Inforisk: «Tant qu’il existera une demande importante des ménages pour une éducation privée, les créations resteront largement supérieures aux défaillances. A terme, le marché arrivera à maturité »

- L’Economiste: Le taux d’endettement des écoles affiliées à l’Education nationale est le plus élevé du secteur (57%). Pour quelle raison?- Amine Diouri: Ce taux n’a rien d’alarmant. L’investissement initial (achat du terrain, construction, aménagement, matériel), et le besoin en fonds de roulement de démarrage, alourdissent le montant total investi. Les programmes étatiques existants, tels que le Fonds de promotion de l’enseignement privé (FOPEP), favorisent l’utilisation du crédit bancaire. Par ailleurs, dans le cadre du programme de la Caisse centrale de garantie (CCG), la part des fonds propres/autofinancement ne représente que 30%, le solde étant réservé au crédit bancaire.

- La marge nette des établissements de l’enseignement supérieur s’est carrément effondrée en 2014 et 2015. Quelle lecture en faites-vous?- La marge opérationnelle de ces établissements a globalement commencé à devenir négative à partir de 2014. Un déficit qui s’est creusé en 2015 pour atteindre -25%. En parallèle, leur chiffre d’affaires consolidé a stagné entre 2013 et 2015. Le problème majeur que rencontre ces établissements supérieurs est celui de la masse critique. Contrairement aux autres segments (éducation nationale et formation professionnelle), qui bénéficient d’un report massif des écoliers du public vers le privé, l’enseignement supérieur privé ne réussit pas à attirer les étudiants. Ces derniers préfèrent, très majoritairement, l’université publique. Sur les plus de 800.000 étudiants que compte le Maroc, le privé ne réussit à capter que 5% de cet effectif. Compte tenu du coût élevé de ces écoles, seules les catégories CSP+ peuvent se permettre d’y inscrire leurs enfants.

- En 3 ans (2013-2016), le taux de défaillance moyen a progressé de 77%. La situation est-elle critique pour autant?- Certes, en pourcentage la progression a été importante mais en volume, le niveau de défaillance reste modeste (62 en 2016). A côté de cela, le niveau de création a été 5 fois plus important. Si vous regardez la composition du tissu sectoriel, aujourd’hui, pour une défaillance, nous avons à côté 5 créations d’écoles privées. Mais tant qu’il existera une demande importante des ménages pour une éducation privée, les créations resteront largement supérieures aux défaillances. A terme, le marché arrivera à maturité, et naturellement, le nombre d’acteurs présents se réduira de manière drastique: concentration/fusion des acteurs, disparition des acteurs les plus faibles due à une baisse de la rentabilité…

- Une trésorerie en augmentation, un BFR négatif, des délais de paiement qui s’allongent… Les écoles se financent-elles au détriment de leurs fournisseurs?- Le secteur est avantagé par un business model particulier: des frais de scolarité payables par avance en début de mois, avec des délais de 35 jours en moyenne. A côté de cela, des délais fournisseurs s’élevant à plus de 192 jours (6 mois). Cette situation génère, de fait, de la trésorerie d’exploitation pour les écoles privées. Par ailleurs, le fonds de roulement du secteur, c’est-à-dire le capital permanent servant à financer l’actif immobilisé, est négatif. Il est donc logique d’affirmer qu’une partie des investissements de ces écoles est réalisée sur le dos de leurs fournisseurs.Propos recueillis par Tilila El GHOUARI

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