La protection des données personnelles des citoyens est un chantier permanent. Cette obligation légale est connexe à un projet en cours chez l’Autorité chargée de la protection de la vie privée (CNDP). En effet, elle compte délibérer sur le secret professionnel.
Les futures deux décisions de la CNDP seront basées sur deux lois distinctes. Celle relative au droit d’accès à l’information et celle protégeant la vie privée. Chacune des délibérations sera rendue séparément par les deux instances que préside Omar Seghrouchni.
Des consultations ont déjà eu lieu avec l’Ordre des médecins. La CNDP a également sollicité les notaires et les avocats sur leur perception du secret professionnel et la pratique qui en découle. «De fortes réticences ont été constatées au début de nos échanges. Ces professions réglementées et assermentées se sont considérées non concernées par la loi n°08-09 protégeant les données personnelles. Il y avait un écart de compréhension», confie l’instance créée en 2010.
Quiproquo autour d’une loi
Une sorte de quiproquo entre l’obligation du secret professionnel et la loi sur la protection des données personnelles. La CNDP a dû expliquer aux praticiens qu’elle s’intéressait plutôt au «traitement générique» des données des clients et patients: type de données collectées, droit d’accès aux fichiers, traçabilité, archivage...
Fixé initialement pour l’été 2019, le délai pour délibérer sur le secret professionnel a été dépassé. La présidence de la CNDP reconnaît «avoir sous-estimé la masse de travail» préalable à ses décisions et l’effort que cela exige «dans la conduite du changement nécessaire pour accompagner les professionnels». Elle semble visiblement «déterminée» à aller de l’avant. «Il y a un changement de méthodologie. Auparavant, l’audition des parties concernées n’était pas formellement associée aux délibérations», soutient l’instance.
Par ailleurs, d’autres régimes juridiques entrent en jeu dans ce dossier. Celui qui vient d’emblée à l’esprit est le code pénal. Son article 446 punit «de l’emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende de 1.200 à 20.000 DH» la violation du secret professionnel.
Cette disposition ratisse large dans la communauté médicale en s’appliquant exclusivement aux médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes, fonctionnaires... Citées à témoigner devant les autorités judiciaires ou administratives, ces professions du monde médical «demeurent libres de fournir ou non leur témoignage» dans certains types d’affaires: délits, mauvais traitement contre un mineur, une épouse...
Les autres professions assermentées sont évidemment soumises au secret professionnel. Le pénaliste Rachid Diouri évoque le secret professionnel «le plus absolu» et qui «ne couvre pas la dénonciation des crimes et délits au risque d’être complice par omission». Un client doit par ailleurs «autoriser expressément» son conseil pour parler de son dossier et encore, «le feu vert du bâtonnier est indispensable», précise Mr Diouri.
Mais la société d’information est là: «Le risque d’une fuite devient très élevé avec les réseaux sociaux et le secret professionnel assez élastique lorsqu’il s’agit par exemple d’affaire judiciaire médiatisée. La révolution numérique rend cette notion obsolète. Il faut la repenser», analyse notre interlocuteur. L’Association des barreaux du Maroc a été ainsi appelée à s’exprimer sur ce sujet.
La CNDP projette, en partenariat avec le barreau de Casablanca, d’organiser un séminaire, d’élaborer un guide de bonnes pratiques pour les avocats et de signer une convention. Pourquoi avoir choisi ce barreau parmi les 17 qui existent? «Il a été le plus réactif», selon la CNDP.